Le patchbay audio, l’art du brassage dans un studio

Jean-Philippe Mamosa 

L’art du brassage dans un home-studio


Lorsque le home-studio compte peu d’appareils, les différentes combinaisons de branchement sont limitées. Aussi, la joie de combiner le peu d’éléments à notre disposition n’est pas déplaisant. Débrancher et re-brancher ne sont pas vu comme un obstacle, au contraire. Malheureusement, au fur et à mesure des acquisitions de nouveaux matériels, les choses se compliquent. L’accès à l’arrière des racks, la table de mixage, ou bien derrière ou sous les meubles devient lassant. Sans compter sur l’apparition des problèmes de faux contacts liés à des branchements faits à tâtons : en aveugle, le bras tendu et le corps contorsionné, la main explore le froid métal à la recherche de la prise dans laquelle doit entrer le jack que vous tenez du bout des doigts… Bref, vous reconnaîtrez peut-être là une situation que vous avez vécue. Sans compter sur les câbles totalement enchevêtrés qu’il devient difficile de démeller. Les problèmes de connexions se complexifient proportionnellement au nombre de machines si on veut pouvoir profiter des multiples possibilités de branchements.

Pourquoi un patch audio ?


Une platine de connexions (“patchbay” ou “patch bay” en anglais) centralise et facilite l’accès aux signaux de la plupart des éléments constitutifs du home-studio. Avec un patchbay, on évite — au pire on minimise — les “paquets de câbles” et on bénéficie d’une vue d’ensemble des connexions audio. Et celles-ci sont bien accessibles contrairement à celles situées à l’arrière des racks ou table de mixage. C’est pourquoi un patch audio est nécessaire à tout environnement audio comportant un certain nombre d’appareils. Si vous souhaitez utiliser votre home-studio de manière efficace, il faut un câblage sérieux qui puisse permettre pratiquement tous les routages possible entre les appareils. Cela se fait avec un patch audio.

Comment est fait un patchbay ?

Un patch bay audio professionnel ne comportera pas de jacks femelles à l’arrière, mais une platine de connexion avec souvent des bornes, cosses à souder, ou bien des connecteurs genre D-Sub comme en informatique ou bien Harting multipoints (DIN 41612). Les jacks à l’avant ne sont plus des classiques 6,35mm (1/4 de pouce) mais des TT : « Tiny Telephone », également appelés Bantam. Ce jack fait 4,4mm de diamètre ((0,173 pouce) et permet de placer jusqu’à 96 points sur une platine 1U. L’embout (tip) et l’anneau (ring) n’ont pas le même diamètre que le corps (sleeve). Le jack TT est installé par défaut sur les consoles SSL ou Neve, par exemple. Il y a l’autre standard appelé GPO. C’est du “TT-Bantam” en diamètre 6,35mm (1/4″) qui a aussi l’embout et la bague avec une forme différente de notre classique jack audio, ce qui les rend totalement incompatibles avec nos câbles audio équipés de jack 1/4″.

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Physiquement, un patch bay audio se présente sous la forme d’un rack 19″ de une unité (1U). Sa face avant est couverte de 24 paires de jacks femelles alignées verticalement, idem sur la face arrière. Soit un total de 96 jacks femelles symétriques. A l’arrière arrivent les câbles des machines, sachant que pour bien faire, le patchbay devra regrouper l’ensemble des entrées et sorties des équipements du home-studio: multipiste, carte son, synthétiseurs, expandeurs, processeurs de dynamique et autres périphériques. Les sources (sorties audio) sont branchées à l’arrière du patchbay sur les prises du haut. Les destinations (entrées audio) sont branchées aussi à l’arrière sur les prises du bas. La connexion par défaut — interne au patchbay — se fait du jack du haut vers celui du bas (des prises arrières). La dérivation ou déviation s’effectuera par insertion sur les prises avant, en regard des liaisons faites à l’arrière.

Quatre de ces connecteurs forment un canal (la paire arrière et la paire avant). Souvent, chaque canal possède un sélecteur situé sur la face arrière, supérieure, avant ou bien interne au patchbay pour permettre de choisir entre trois modes : NORMAL (normalisé), HALF NORMAL (semi-normalisé) et THRU (traversant). Les connexions “standards”, courantes, sont réalisées via les branchements arrières au patchbay. Les variations ou modifications des chemins se font grâce aux prises à l’avant. On relie les appareils les uns aux autres avec des câbles symétriques courts — appelés « cordons patch » ou bien « bretelles » — que l’on branche dans les connecteurs de la face avant du patch audio. Bien entendu, des bretelles asymétriques sont également utilisables. Ainsi, nous pouvons organiser librement notre studio et, à tout moment, modifier sa configuration facilement en routant les signaux différemment grâce aux connecteurs de la face avant du patchbay.

Utiliser un patchbay

Un patch audio, suivant son mode, permet de faire effectuer tous les trajets usuels d’un signal audio. Il existe trois modes qui apportent chacun une solution sur la déviation ou la dérivation du signal arrivant à l’arrière, sur la connexion haute. Par défaut, le signal est ininterrompu entre les deux prises arrières (la paire verticale de jacks), sauf dans le cas du mode “Thru”. Lorsque le canal est réglé sur THRU le signal arrivant sur le jack arrière en haut est acheminé au jack du haut sur l’avant; pareil pour le bas. Cette configuration peut être utilisée pour brancher la sortie stéréo d’un lecteur CD, par exemple.

Mode NORMAL (Normalled Mode)

En mode Normal, les connecteurs arrières haut et bas d’un même canal sont reliés ensemble. La liaison entre les deux connecteurs arrières est interrompue dès qu’un câble est branché à l’embase supérieure ou inférieure de la face avant. Si nous raccordons un câble à l’embase supérieure, le signal de la source est dévié vers l’extérieur et le lien vers l’embase inférieure arrière est interrompu. Ceci permet par exemple de faire entrer le signal dans un compresseur. Si nous branchons, dans notre exemple, un câble sur le jack inférieur, nous y acheminons un signal source venant de notre compresseur vers la carte son ou la table de mixage.

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Mode HALF NORMAL (Half-normalled Mode)

En mode Semi-Normalisé, les deux connecteurs arrières sont pontés (shuntés). Contrairement au mode Normal, lorsqu’un jack est branché dans l’embase supérieure de la face avant, la liaison entre les deux connecteurs du panneau arrière n’est pas interrompue. Ce n’est que lorsque l’embase inférieure de la face avant est occupée que la liaison entre les
connecteurs arrières est interrompue. Les deux embases supérieures sont alors reliées ensemble, tout comme les deux embases inférieures. Nous nous retrouvons dans le même cas que le mode normal. Si nous branchons un câble à l’embase supérieure, le signal de la source est dévié vers l’extérieur et le lien vers l’embase inférieure n’est pas interrompu. Cette situation permet de dériver le signal de la source pour le faire entrer dans une carte son parallèlement au départ normal vers la console de monitoring, par exemple.

Mode THRU (Thru Mode ou De-Normalled Mode)

Le mode THRU sert au câblage de générateurs sonores ou de lecteurs (une platine CD par exemple) ne possédant pas d’entrées. Pour ne pas perdre de place, on peut relier leurs sorties gauche et droite à un unique canal du patchbay (sortie gauche en haut et sortie droite en bas) ou même câbler deux appareils l’un au dessus de l’autre. Dans cette configuration, les processeurs d’effets, compresseurs et égaliseurs peuvent être disposés de telle sorte
que les entrées et sorties soient les unes au-dessus des autres.

Avec un patchbay, l’usage veut que l’on connecte les sorties à la rangée de connecteurs supérieure et les entrées à
la rangée d’embases inférieure.

Le câblage d’un studio est un art en soi auquel il faut accorder une attention toute particulière. Tout d’abord, évitez les boucles de masse. Une boucle de câble agit comme une antenne qui capte les perturbations électromagnétiques. Ne supprimez jamais la mise à la terre d’un cordon d’alimentation pour supprimer un ronflement à 50 Hz mais séparez plutôt la masse d’un ou plusieurs câbles audio.

Assurez-vous que le patch audio ne nuît pas à la mise à la masse correcte de votre studio. Utilisez systématiquement des raccords de patch aussi courts que possible dont le blindage n’est interrompu à aucune extrémité. Aussi, le placement des câbles a son importance. Il faut absolument éviter de faire se cotoyer les câbles audio avec les cordons d’alimentation. Le secteur 220V est le générateur du 50Hz qui fait un gentil bruit de fond (“Hum” ou “Buzz”) qu’on entend très bien lorsqu’il n’y a pas de modulation dans les écoutes.

Je branche quoi sur mon patchbay ?

Avant d’organiser le câblage de votre home-studio, je vous conseille donc de vous poser les questions suivantes : quelles sont les liaisons les plus souvent utilisées et quelle doit être la place de chacune d’elles dans le patch bay. Il ne faut pas perdre de vue que l’usage d’un patch audio doit apporter une grande souplesse dans le câblage sans y réfléchir pendant des heures pour faire une nouvelle configuration adaptée au besoin.

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Avant tout achat d’un ou plusieurs patchbays, il faut commencer par tout comptabiliser dans votre home-studio. Sortez une feuille et un crayon (aussi une gomme pour modifier…). Recensez le nombre d’entrées et de sorties audio de vos appareils : synthés, expandeurs, sampleurs, BAR, multi-effets, préamplis, compresseurs, EQ, carte son, table de mixage, lecteur CD, etc. Comptez les entrées et sorties que vous utilisez. Vous pouvez même y ajouter les sorties auxiliaires dont sont équipés bon nombre de synthés et expandeurs, même si vous ne les utilisez pas actuellement. Ça vous servira peut-être un jour… Par contre, faire entrer un micro dans un patch audio n’a pas beaucoup d’intérêt… Demandez-vous d’où vient le signal et vers quel(s) appareil(s) il peut aller. Les “jusqu’au-boutistes” iront jusquà patcher les points d’insertions et les sorties audio “Main” et “Control Room” de la console, les entrées d’amplis, de monitoring, etc. Aidez-vous en dessinant un schéma de ces connexions, ça permet d’y voir plus clair.

Ensuite, dans votre tableur préféré, numérotez 24 colonnes de 1 à 24, et 24 autres colonnes de 25 à 48. Certains designers-concepteurs mettent de 1 à 48 en ligne… Dessous, vous y mettrez alternativement en ligne les sorties (prises du haut) et les entrées (prise du bas) de vos appareils. Groupez les blocs de prises par catégorie de matériel. Les cases seront sensées représenter les prises arrières du patchbay.

Vous pouvez ainsi visualiser immédiatement les interconnexions possibles. Le routage normal, sans brancher un jack à l’avant, relie les sorties du MR-RACK sur les tranches 1 et 2 de la table de mix 03D, les sorties du JV-1080 sur les tranches 3 et 4 de la 03D, ainsi de suite… Par exemple, en branchant des bretelles (cordons patch), je peux dérouter les sorties gauche et droite (“L” et “R”) du JV-1080 vers les entrées du multi-effet DP/2 (“L” et “R”), faire entrer les sorties 1 et 2 du DAW dans les tranches 1 et 2 de la console 03D, et faire passer les sorties 7 et 8 du DAW par le MPX1, etc. Tenez compte du mode “Normal”, “Semi-normal” et “Passant” de chaque canal pour établir vos jonctions en fonction des besoins.

Lorsque vous avez défini le nombre de points de connexions nécessaires, vous pouvez aller acheter votre ou vos patchbays. Il y a une offre “Home-Studio” dont le prix moyen est d’environ 150 € pour des appareils symétrisés munis de jack TRS. N’oubliez-pas de prendre des multipaires jack-jack TRS à la bonne longueur ainsi que des cordons patch TRS (bretelle)…

L’utilisation de bretelles en couleur facilite le repérage. Evitez l’enchevêtrement des câbles devant le ou les patchbays, sinon vous ne vous y retrouverez plus.

 Voir la page sur les câbles et prises audio.

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